Une nouvelle ingénierie pour l'hydraulique agricole

Auteur de la fiche (Prénom, NOM, structure, email) : François BRELLE, AFEID , fr.brelle@orange.fr
Défis du cadre stratégique : Renforcer la durabilité environnementale des agricultures irriguées , Réduire les risques et augmenter la résilience de l’agriculture irriguée, Accompagner le changement par l’innovation technique et les réformes institutionnelles
Aires géographiques concernées : Afrique Sub Saharienne
Terrains concernés : Zone d'intervention des SAGI d'Afrique de l'Ouest
Types de systèmes irrigués : Grands et moyens périmètres hydrauliquement structurés
Contexte et problématique : Dans la logique des politiques de planification qui prévalait dans de nombreux pays du monde, le développement de l’irrigation, porté par la puissance publique, a consisté à réaliser de grands aménagements hydroagricoles, dont la gestion était structurée et organisée de manière administrative. A partir des années 1990, ce modèle a fait l’objet de nombreuses critiques. La mise en valeur par l'irrigation restait moyenne, voire médiocre, aux regards des ambitions et des coûts d'investissement. Les infrastructures s'étaient rapidement dégradées, leurs performances en avaient fortement souffert, et avec elles le service de l'eau aux irrigants.
Le constat de ces échecs a encouragé les institutions de Bretton Woods, et avec elles un grand nombre de bailleurs de fonds, à ne plus soutenir les investissements publics pour l'irrigation, et à promouvoir une forte réduction du mandat des structures publiques au profit d’autres acteurs, dans la logique du désengagement des Etats auquel ils subordonnèrent leur aide.
Pour autant, faut-il définitivement tourner le dos aux moyens et grands périmètres hydrauliquement structurés, en réservant les moyens financiers et l'ingénierie aux petits aménagements communautaires, qui seraient en capacité des s'y substituer, à la fois pour subvenir aux besoins alimentaires et pour développer les territoires ruraux des pays du Sud (cf. les programmations envisagées dans le cadre de l'Initiative Sahel) ? Faut-il renoncer à des systèmes potentiellement économes en eau, par effet d'échelle et du fait de leur performance hydraulique ? Faut-il privilégier les aménagements précaires, la maîtrise partielle de l'eau, aux motifs qu'il est vain d'investir lourdement dans des pays ayant démontré les difficultés qu'ils rencontrent pour assurer la pérennité du patrimoine public, et que seule la nécessité de reconstruire (un barrage fusible par exemple) peut contraindre à dépenser pour la durabilité ?
Certes, il faut consacrer efforts et ressources financières à bien partager les responsabilités entre public et privé (dont les irrigants eux-mêmes), à organiser l'exploitation et la maintenance, à promouvoir l'investissement privé. Mais s'intéresse-t-on suffisamment à l'ingénierie hydro-agricole. Il est frappant (et surprenant) que les projets d'extension et même de réhabilitation) de périmètres existants aient le plus souvent recours à des modèles de conception mis au point il y a plus de 30 ans (documents de référence de la FAO par exemple). Au plan des méthodes, les mandats des ingénieurs-conseils n'ont évolué que pour en réduire la durée en en raccourcissant les étapes, en en supprimant ou en les fusionnant.
Alors même que presque tous les diagnostics concluent que la performance hydraulique incontestable de ces modèles se heurtent systématiquement à leur incompatibilité avec le contexte social dans lequel on les a mis en œuvre. A quoi sert la perfection hydraulique de la combinaison d'une vanne automatique et de modules à masques quand on sait que cette vanne est trafiquée dès sa mise en service pour augmenter la hauteur d'eau à l'amont des modules? Est-il toujours pertinent de mettre à la disposition des irrigants des systèmes dont la logique fonctionnement leur est totalement étrangère ?
Il est très probablement nécessaire de revoir les modèles et les méthodes d'ingénierie hydroagricole. Les diagnostics sont nombreux et il "suffit" (la tâche est loin d'être négligeable) d'en synthétiser les conclusions. En s'appuyant sur ces conclusions, il faut en quelque sorte réinventer des solutions, tout aussi performantes que celles qui existent au plan hydraulique, mais qui s'en différencient par une robustesse accrue, une maintenabilité significativement améliorée, une exploitabilité qui prenne en compte la réalité du terrain et des organisations qui peuvent y être mises en place. Il faut établir les codes d'une nouvelle ingénierie qui non seulement soit techniquement irréprochable à la mise en service des aménagements, mais qui intègre réellement les contraintes techniques de l'exploitation et de la maintenance. Une ingénierie qui puisse par exemple être responsabilisée par l'obligation d'associer à toute conception l'élaboration d'une stratégie explicite de gestion patrimoniale à long terme. Une ingénierie qui intègre véritablement une démarche participative impliquant les bénéficiaires (usagers-clients) finaux, au niveau pertinent et pour les choix qui le justifient. Une ingénierie qui fonde ses propositions de choix d'aménagement et d'équipement sur une analyse économique et une analyse financière bien distinguées l'une de l'autre.
Implication des acteurs de l'irrigation : Les maîtres d'ouvrages et les organisations d'irrigants sont à impliquer dans l'action au côté des ingénieurs-conseils.
L'AFD sera également impliquée par la mise à disposition des évaluations de projets qu'elle a réalisées ou fait réaliser, en particulier dans le cadre de l'évaluation des interventions de l’AFD dans le secteur de l’irrigation qui vient de démarrer.
Objectifs de l'action (cibles, intérêts opérationnels, etc) : 1. Réinventer des solutions technico-économiques d'aménagement hydroagricole, au moins aussi performantes que celles qui existent au plan hydraulique, mais qui s'en différencient par une robustesse accrue, une maintenabilité significativement améliorée, une exploitabilité qui prenne en compte la réalité du terrain et des organisations qui peuvent y être mises en place
2. Etablir les "codes" d'une nouvelle ingénierie qui non seulement soit techniquement "irréprochable" à la mise en service des aménagements, mais qui intègre réellement les contraintes techniques et économiques de l'exploitation et de la maintenance.
Contenus, moyens et calendrier à mettre en place : 1. Phase de synthèse des diagnostics : recenser, analyser et tirer les enseignements des diagnostics de systèmes hydroagricoles qui ont été réalisés ces dix dernières années pour le compte des SAGI d'Afrique de l'Ouest : cette phase peut faire l'objet de stage(s) de fin d'études d'ingénieur ou de mastère, avec implication significative d'un "binôme maître de stage", constitué d'un représentant de maître d'ouvrage (SAGI) et d'un bureau d'étude (SAR ou associatif). Le pilote du chantier, qui en assurera la coordination et l'homogénéité (si plusieurs stages, ce qui est probablement nécessaire). Durée 6 mois.
2. Phase de recommandations subséquentes relatives aux partis d'aménagement à privilégier, à ceux à éviter, aux principes à retenir - ou à approfondir - pour la conception d'ouvrages et d'équipements durablement opérationnels, aux méthodes d'ingénierie (y compris ingénierie participative, cf. proposition BRL-Lisode).à adopter, à améliorer ou à mettre au point. Ces recommandations seront élaborées et rédigées dans les mêmes conditions que la synthèse des diagnostics, à la suite d'un atelier réunissant ses auteurs. Durée 6 mois.
3. Rédaction d'un document de référence. Ce document, dont la rédaction sera collective et mobilisera largement au sein du Costea au delà des maîtres de stages et du pilote de l'action, pourra recevoir le "label" Costea après sa validation par le Comité de pilotage. Durée 6 mois.
Livrables : 1.Rapport de synthèse des diagnostics : rédaction par les stagiaires et les maîtres de stages, coordination par le pilote du chantier
2 Rapport de recommandations
3 Document de référence
Tous ces documents seront portés à la connaissance du CST du COSTEA qui formulera ses observations préalablement à l'engagement de la phase suivante.
Budget détaillé : Phase de synthèse des diagnostics : 15 k€ par stage (612 €/mois de gratification pour le stagiaire pour exonération de charges) y compris temps du binôme maître de stage soit 45 k € pour 3 stages; 15 k€ pour le pilote du chantier, soit un total de 60 k€
Phase de recommandations : Atelier 20 k€ y compris logistique ; production du rapport 25 k€ (temps des experts), soit un total de 45 k€
Rédaction du document de référence : Ateliers et téléconférences, temps des rédacteurs : 30 k€ (40 jours au tarif des conventions avec partage des coûts). Edition 5 k€
Coût total de l'action : 60 + 45 + 30 + 5 = 140 k€