L’ingénierie participative dans le développement des périmètres irrigués : Analyse rétrospective et recommandations pour les mises en œuvre futures

Auteur de la fiche (Prénom, NOM, structure, email) : Romain VIDAL, BRLi, romain.vidal@brl.fr
CoAuteur(s) de la fiche (Prénom, NOM, structure, email) : Amar IMACHE, Lisode, amar.imache@lisode.com
Défis du cadre stratégique : Réduire les risques et augmenter la résilience de l’agriculture irriguée, Accompagner le changement par l’innovation technique et les réformes institutionnelles
Aires géographiques concernées : Asie du Sud Est, Afrique Sub Saharienne, Maghreb et Méditerranée
Terrains concernés : A déterminer
Contexte et problématique : Dans un contexte de développement de nouveaux périmètres irrigués en lien avec les problématiques de sécurité alimentaire et de poursuite des processus de transfert de gestion, les approches participatives sont mises en avant pour assurer la durabilité des investissements. Celles-ci sont prônées à différents niveaux et avec différentes finalités : diagnostic participatif, co-conception des infrastructures, gestion participative du périmètre, etc.
En pratique, la conception et mise en œuvre de ces approches recouvre des réalités très différentes d’une zone à l’autre, d’un projet à l’autre. Le terme est souvent utilisé à tort et de nombreuses études pointent depuis une vingtaine d’années la mauvaise compréhension des approches participatives par les porteurs de projet, un intérêt de circonstance pour cette démarche, une vision « naïve » de l’action collective, une efficience questionnable, etc. L’utilisation des approches participatives ne sert pas toujours un objectif précis et peut résulter en des effets contraires à ceux recherchés : tensions au niveau local, résistances au projet, mauvais dimensionnement, etc.
Le développement d’un nouveau périmètre irrigué est long, coûteux et fait intervenir une diversité d’acteurs. Il est généralement impulsé par un projet politique puis mis en œuvre dans une logique d’ingénierie technique. Dans un cas comme dans l’autre, la place des usagers, jusqu’à la livraison des ouvrages, est généralement faible. Surgit également la question de la gestion de ces ouvrages, qui se révèle d’autant plus difficile que le projet ne résulte pas réellement d’une action collective impliquant les bénéficiaires directs.

Dès lors, et en considérant l’ensemble du temps du projet (de son inscription dans l’agenda politique des décideurs à la construction des infrastructures puis à leur gestion) quelle place peut-on réellement donner aux usagers et autres parties prenantes ? Quelles conséquences cette participation aura sur l’ingénierie « classique » du projet ? Qu’est-ce que l’ingénierie participative et quelle forme pourrait-elle prendre pour le développement de nouveaux périmètres irrigués (pourquoi, quand, comment, avec qui…) ? Quelles recommandations pour que cette forme d’ingénierie puisse être diffusée plus largement ?
Implication des acteurs de l'irrigation : Il conviendra d’identifier un à plusieurs périmètres ayant fait l’objet d’un aménagement récent. Nous pensons qu’il est pertinent d’envisager un stage par grande zone géographique (Maghreb, Afrique de l’Ouest, Asie du sud-Est). A ce stade la localisation reste toutefois ouverte.
Cette action a été conçue par un binôme d’acteurs complémentaires en prise directe avec la réalité des projets de développement de nouveaux périmètres irrigués : BRLi est un acteur qui œuvre à la fois dans l’ingénierie technique de ces projets et les approches participatives associées, Lisode intervient plus spécifiquement dans la conception et l’animation des approches participatives en lien avec ce type de projet.

Institution Type d’acteurs
AFD Bailleur
BRLi Bureau d’étude, pilote de l’action
Lisode Bureau d’étude, pilote de l’action

Processus de concertation
Réunion de cadrage
Réunion de suivi d’avancement tous les deux mois
Présentation d’une synthèse des résultats au COSTEA

Compte tenu de la difficulté du sujet il sera indispensable d’encadrer chaque stagiaire, à travers au moins 2 missions d’expert en complément au cours de la durée du stage.
Objectifs de l'action (cibles, intérêts opérationnels, etc) : Nous proposons une action qui vise à répondre à ces questions à travers l’analyse de plusieurs études de cas. Les objectifs spécifiques seront de :
• Analyser les processus d’ingénierie des projets de développement de nouveaux périmètres irrigués (séquençage technique du projet, analyse de la prise de décision tout au long du projet, analyse des rôles des différents intervenants, analyse de la dimension économique du projet, etc.) en lien avec le contexte d’intervention (situation sociopolitique et analyse du jeu d’acteurs, etc.)
• Renseigner et décrire la façon dont ont été associés les usagers ou parties prenantes dans le projet et caractériser les approches participatives mobilisées - pourquoi une approche de cette façon (temps, lieu, participants, format), avec cet objectif, sur ce terrain, avec ce prestataire, à cette étape du projet, , avec ces moyens, etc. ;
• Evaluer les conséquences de l’implication (ou de l’absence d’implication) des usagers/parties prenantes dans le projet et dans les conditions susmentionnées et en tirer des enseignements ;
• Concevoir un cadre méthodologique basé sur ces enseignements qui permette de définir, cadrer et accompagner la mise en œuvre d’une ingénierie participative (et qui clarifie notamment ses limites) dans les projets de développement de nouveaux périmètres.
Contenus, moyens et calendrier à mettre en place : Cette action est divisée en plusieurs étapes :

1) Conception d’une grille d’analyse des études de cas
Il s’agira, sur la base de la littérature et de nos expériences passées, de produire une grille d’analyse générique allant être déployée sur plusieurs études de cas.

2) Mise en place de plusieurs stages (en fonction du nombre d’études de cas) d’ingénieur en gestion sociale de l’eau ou développement rural.

Au cours du stage, pour chaque étude de cas, le ou la stagiaire aura pour mission de :
• Analyser la manière dont les approches participatives ont été conçues et mises en œuvre pour le développement du nouveau périmètre en croisant revue de la littérature, entretien avec les porteurs de projet, éventuels bureaux d’étude ou ONG et les bénéficiaires. Une typologie sera établie. Il sera indispensable de porter un regard approfondi sur les processus amont ayant abouti à la conception de la démarche participative.
• Evaluer l’intérêt de cette démarche du point de vue des bénéficiaires, porteurs de projet et durabilité du projet.
• Analyser ce qui aurait pu être amélioré en termes d’approche participative, aussi bien dans la mise en œuvre que dans la conception.

3) Analyse transversale des études de cas et développement d’un cadre méthodologique portant sur l’ingénierie participative

Sur la base des résultats des différentes études de cas, un cadre méthodologique sera développé. Il permettra d’établir des recommandations pratiques (p.ex. termes de références) pour les bailleurs de fond et acteurs de développement de l’irrigation de manière à mieux cadrer et valoriser l’ingénierie participative dans le cadre d’un projet de développement de nouveau périmètre.

4) Restituer les résultats de l’action auprès des parties prenantes directement impliquées dans le développement de nouveaux périmètres irrigués

L’objectif de cette dernière étape serait de transmettre ce cadre à des acteurs qui pourraient en avoir l’usage, de façon à s’assurer que cette action ait des conséquences sur le développement de nouveaux périmètres. Un format « séminaire de réflexion stratégique sur l’ingénierie participative » serait privilégié. Il mêlerait débat, formation et planification.

Planning de réalisation
Etape 1 : 1 mois, début 2018

Etape 2 : Stage(s) d’une durée de 6 mois devant débuter en avril/mai 2018

Les étapes 3 et 4 seront à planifiées en fonction du calendrier retenu pour les stages. Il peut être envisagé plusieurs stages au cours de la phase 2 du COSTEA.

Etape 3 : 2 mois, fin 2018, début 2019

Etape 4 : Séminaire de réflexion, une semaine y.c. préparation, mi 2019
Livrables : 1. Grille d’analyse des études de cas. Pourra être réutilisée dans le cadre de processus d’évaluation de projet.

2. Le stage résultera en :
• une analyse des approches participatives conçues et mises en œuvre ;
• la définition de recommandations applicables aux projets de développement de nouveaux périmètres.
3. Une synthèse sera établie par la mise en commun des études de cas. Définition d’un cadre méthodologique pratique portant sur l’ingénierie participative à destination des financeurs et porteurs de projet.

4. Note de séminaire destinée à être diffusée

Ce travail pourra faire l’objet d’un article scientifique destiné à être publié.
Budget détaillé : Par étapes :
1- Conception d’une grille d’analyse des études de cas
10j de travail Lisode, 10j BRLi (cout journalier 700€HT)

2- Mise en place de plusieurs stages (en fonction du nombre d’études de cas) d’ingénieur en gestion sociale de l’eau ou développement rural.

Le coût estimé est de l’ordre de 33 000 € par étude de cas.

3- Analyse transversale des études de cas et développement d’un cadre méthodologique portant sur l’ingénierie participative

20j de travail Lisode, 20j BRLi (cout journalier 700€HT)

4 - Restituer les résultats de l’action auprès des parties prenantes directement impliquées dans le développement de nouveaux périmètres irrigués
5j de travail Lisode, 5j BRLi (cout journalier 700€HT)
Une demi-journée par mois de coordination par intervenant sera nécessaire.

Pour limiter les coûts il pourra être envisagé de positionner le(s) stages au niveau d’un pays où des membres du COSTEA résidant sur place pourraient encadrer le stagiaire. Le coût approximatif du stage serait alors de l’ordre de 18 000 €.
Autres éléments nécessaires à la compréhension de ce chantier : Il existe une documentation significative sur le sujet mais plus généralement centrée sur la question des approches participatives dans le développement rural. Dans le domaine de l’irrigation, les références sont moins nombreuses. Le plus souvent les travaux s’attachent à décrire les effets de la participation dans les projets mais ne renseignent que de manière succincte sur les approches en elles-mêmes. La question de la conception de l’approche participative mise en œuvre est le plus souvent ignorée.
Il conviendra de mobiliser à la fois la littérature relative à la gestion participative de l’irrigation (aux méthodes de mises en place d’associations), aux approches participatives et à leur utilisation et effets dans les projets de développement.

Exemples de biblio:
ADB. 2004. Effectiveness of participatory approaches: do the new approaches offer an effective solution to the conventional problems in rural development projects?

Campbell, J.R. (2001) 'Participatory rural appraisal as qualitative research: Distinguishing methodological issues from participatory claims'. Human Organization.
Cooke, B. and Kothari, U. (eds). (2001). Participation: The New Tyranny? London: Zed books.
Cleaver, F. (1999). Paradoxes of Participation: Questioning Participatory Approaches to Development, Journal of International Development, 11: 597-612.
D’Aquino, 2009. La participation comme élément d’une stratégie globale d’intervention : l’approche « gestion autonome progressive »
Daquino. Empowerment et participation : comment mieux cadrer les effets possibles des démarches participatives ? : Proposition d’un cadre d’analyse à partir d’une synthèse bibliographique. 2007.
DJOUKAM, J., & Görensdotter JANSSON, E. (1999). L'ingénierie participative pour un développement durable
Hickey, S. and Mohan, G. (eds). (2004). Participation: From Tyranny to Transformation? Exploring New Approaches to Participation in Development. London: Zed Books.
Mansuri, Ghazala, and Vijayendra Rao. 2013. Localizing Development: Does Participation Work? Washington, DC: World Bank. DOI: 10.1596/978-0-82138256-1. License: Creative Commons Attribution CC BY 3.0

Philippe Lavigne Delville. Du nouveau dans la ”participation” ? : populisme bureaucratique, participation cachée et impératif délibératif. Une anthropologie entre pouvoirs et histoire : conversations autour de l’oeuvre de Jean-Pierre Chauveau, Karthala ; IRD, pp.161-188, 2011.